Faut-il encore parler de "pervers narcissique" ? Une lecture plus sociale des relations toxiques
- voiraudelahypnose
- 22 mars
- 4 min de lecture
Un terme controversé : entre psychanalyse et réalité sociale
Depuis plusieurs années, le terme "pervers narcissique" est largement utilisé pour décrire des hommes (et parfois des femmes) qui exercent une emprise psychologique sur leur partenaire. Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour remettre en question cet usage.
D’un point de vue strictement clinique, le "pervers narcissique" n'existe pas en tant que diagnostic psychiatrique. Ce terme est avant tout issu de la psychanalyse et est principalement employé en France. Ailleurs, on parle davantage de trouble de la personnalité narcissique ou antisociale, ce qui amène à repenser la manière dont nous qualifions ces comportements destructeurs.
Mais alors, pourquoi tant de femmes qui subissent une relation toxique utilisent-elles cette expression ? Il s’agit peut-être d’un besoin de mettre des mots sur une expérience douloureuse, d’identifier ce qu’elles ont vécu pour mieux s’en détacher. Car oui, comprendre les mécanismes de domination et de manipulation permet de sortir de la confusion et de ne plus porter une culpabilité qui, bien souvent, a été soigneusement instillée par le partenaire toxique.

Mon propre parcours : quand mettre un mot aide à se reconstruire
Dans mon cas, le terme "pervers narcissique" m’a aidée à y voir plus clair sur ce que je vivais. Durant ma relation, j’étais constamment amenée à douter de moi-même, à croire que j’étais la personne à problème. Mon ex conjoint me faisait porter l’entière responsabilité des dysfonctionnements de notre couple, et ce n’est qu’en découvrant les mécanismes de la manipulation narcissique que j’ai pu décaler cette charge mentale et comprendre que je n’étais pas folle.
Pouvoir identifier ces comportements a été un premier pas essentiel vers la sortie de l’emprise. C’est en comprenant les stratégies de dévalorisation, de culpabilisation et de gaslighting que j’ai pu me libérer de cette emprise mentale. Cela m’a permis de lâcher une part de la culpabilité qui me rongeait et d’amorcer un véritable travail de reconstruction.
Cependant, il est essentiel de ne pas s’arrêter là. Mettre une étiquette sur une personne ou une relation ne suffit pas à en guérir. La vraie question est : comment ne plus retomber dans ces schémas ?
Une lecture plus large : au-delà de l’individu, un problème sociétal
Réduire ces comportements à une pathologie individuelle, c’est risquer d’ignorer les dimensions sociales et culturelles qui les favorisent. Le patriarcat, les normes genrées et certaines dynamiques familiales contribuent à ce que des hommes très narcissiques exercent un contrôle sur leur compagne. Plutôt que de voir chaque relation toxique comme un cas isolé lié à une personnalité "perverse", il est utile d’adopter une lecture plus globale qui intègre ces facteurs.
Nous vivons dans une société où les rôles genrés sont encore bien ancrés. Beaucoup de femmes sont socialisées à être dans l’adaptation, l’empathie et le soin de l’autre, tandis que certains hommes narcissiques ou égocentrés sont encouragés à se valoriser sans remise en question. Ces dynamiques sont renforcées par des stéréotypes culturels qui rendent difficile pour une femme de poser des limites, sous peine d’être perçue comme "difficile" ou "hystérique".
Ainsi, ce n’est pas uniquement une question de psychologie individuelle, mais bien un problème structurel. Tant que les femmes seront encouragées à supporter et à s’effacer, et que les hommes auront une place dominante non questionnée, ces schémas relationnels continueront d’exister.

Retrouver son autonomie : une reconstruction essentielle
Dans mes accompagnements en tant que coach relationnel, je constate que la vraie clé de la reconstruction ne réside pas uniquement dans la compréhension des mécanismes de manipulation, mais surtout dans le travail sur soi. Retrouver son autonomie, apprendre à poser ses limites et ne plus entrer dans le jeu de ces hommes toxiques demande du temps, parfois la nécessité de rester seule pour mieux se retrouver.
Sortir d’une relation toxique, ce n’est pas seulement quitter une personne, c’est aussi déconstruire en profondeur les croyances qui nous ont amenées à accepter ce type de relation. C’est apprendre à identifier nos propres vulnérabilités, à reconnaître les signaux d’alerte et à renforcer notre estime de soi pour ne plus tolérer des comportements irrespectueux.
Cela implique également de revoir notre rapport à la solitude. Beaucoup de femmes restent dans ces relations par peur d’être seules, par besoin d’amour ou par dépendance affective. Or, la véritable liberté vient du fait de se sentir bien avec soi-même, sans avoir besoin d’un partenaire pour se sentir exister.
Dépasser les étiquettes pour avancer
Plutôt que de nous focaliser sur une étiquette, prenons du recul. Les relations toxiques existent bel et bien, et les femmes qui en souffrent ont besoin de reconnaissance et de soutien. Mais au-delà des mots, c’est une véritable reprise de pouvoir personnel et une transformation en profondeur qui permettent d’en sortir définitivement.
Le terme "pervers narcissique" peut être un point de départ pour comprendre ce que l’on a vécu, mais il ne doit pas devenir une explication unique ou une excuse pour rester bloquée dans le passé. Ce qui compte, c’est ce que l’on fait après : se reconstruire, se protéger et apprendre à créer des relations saines et équilibrées.
C’est dans cet esprit que j’accompagne les femmes à retrouver leur puissance personnelle, non pas en se focalisant uniquement sur la toxicité de leur ex, mais en mettant toute leur énergie sur elles-mêmes et sur leur propre évolution. Car c’est là que réside la véritable liberté.

Comments