Pourquoi la rivalité féminine est parfois plus violente que les relations avec les hommes ?
- voiraudelahypnose
- 25 avr.
- 5 min de lecture
Comprendre la rivalité féminine pour mieux construire la sororité
Coach relationnelle spécialisée dans les relations toxiques, j’accompagne chaque jour des femmes en quête de compréhension et de guérison. Ce que j’observe, que ce soit dans mes accompagnements, à travers des discussions avec des proches, ou même en écoutant des podcasts, c’est une réalité troublante : les femmes sont souvent plus dures entre elles que face aux hommes. Cette configuration relationnelle, profondément enracinée dans notre culture patriarcale, commence dès l’enfance et s’insinue dans toutes les sphères de nos vies.

Une exigence plus forte envers les filles dès le plus jeune âge
Dès la petite enfance, une différence de traitement subtile mais significative s’installe. J’ai souvent constaté — et de nombreuses mères me le confirment en séance — qu’on attend davantage des filles. Une petite fille doit « bien se tenir », « aider sa mère », « être sage »… tandis que l’on tolère bien plus facilement chez un garçon le désordre ou la turbulence. Un exemple révélateur : le contrôle de la nourriture. Combien de mères veillent, parfois de façon inconsciente, à la quantité de nourriture prise par leur fille, quand leurs fils, eux, peuvent se resservir sans réflexion ? Ce contrôle du corps féminin commence tôt, bien avant l’adolescence.
Un jour, alors que je rendais visite à ma mère en EHPAD, j’ai discuté avec des résidentes qui revenaient d’une visite dans une école maternelle. Une dame m’a raconté comment elles étaient devenues « l’attraction » à cause de leurs fauteuils roulants. Puis elle m’a partagé un moment qui m’a glacée. Une petite fille, un peu plus grande que les autres, était rejetée, poussée en arrière. La résidente, émue, l’a faite venir à l’avant… et lui a dit : « Souris, tu seras plus jolie. » Cette phrase, anodine en apparence, résume des décennies de conditionnement. Il ne suffit pas à une fille d’être là, d’être elle-même. Il faut qu’elle soit agréable à regarder. Et cette injonction à la beauté, à la perfection, à l’effacement, est transmise souvent… par d'autres femmes.
Une étude menée par le CNRS en 2019 montre que les parents, sans même s’en rendre compte, imposent davantage de règles de politesse, de soin de soi et de tâches ménagères aux filles dès l’enfance. Les garçons, eux, bénéficient souvent d’une plus grande liberté comportementale.
Concernant la nourriture, la sociologue Christine Détrez a étudié l'intériorisation par les filles des normes corporelles. Selon elle, « dès 6-7 ans, les filles parlent déjà de régime, influencées par les remarques familiales et les représentations sociales ». Une étude menée par l’Inserm indique que 38 % des filles de 11 à 14 ans ont déjà tenté de contrôler leur poids, contre seulement 18 % des garçons.
"Il faut souffrir pour être belle" : une éducation genrée
Qui n’a jamais entendu cette phrase, en pleurant sur une chaise alors qu’on lui tirait les cheveux pour une coiffure impeccable ? Ce genre d’expressions, souvent répétées avec tendresse ou humour, instillent une norme de souffrance nécessaire pour mériter d’être vue, aimée, reconnue. On ne dit jamais à un garçon qu’il faut souffrir pour être beau. On ne lui demande pas de sourire pour être agréable. Ces micro-violences symboliques, énoncées par des femmes, renforcent pourtant l’idée que la femme est avant tout un objet de regard, y compris celui des autres femmes.
Femmes au travail : rivalité et méfiance
Dans le monde professionnel, schéma de rivalité se poursuit. J’ai souvent entendu des femmes dire : « Travailler entre femmes, c’est l’enfer. » Mon propre père, ouvrier d’usine, avait refusé de gérer une équipe composée uniquement de femmes, tant les conflits y étaient nombreux. Et c’est une phrase que j’entends régulièrement : « Ah non, les équipes 100 % féminines, c’est compliqué. »
Mais pourquoi ? Parce que la société patriarcale a bien compris qu’il est plus facile de régner sur un groupe divisé. En plaçant les femmes en compétition les unes contre les autres – pour l’approbation masculine, pour des postes rares, pour le regard social – le système évite qu’elles s’unissent et remettent en question les règles du jeu. Ce mécanisme de division est insidieux et terriblement efficace.
Une enquête de l’INSEE de 2020 montre que les femmes accèdent moins souvent aux postes à responsabilité, malgré une meilleure réussite scolaire. Cette rareté des places crée une compétition implicite entre elles. De plus, selon un sondage IFOP de 2022, 64 % des femmes interrogées affirment avoir déjà été jugées négativement par une autre femme sur leur apparence ou leurs choix professionnels.
La chercheuse Nicole Mosconi, spécialiste de l'éducation genrée, note que « les filles sont éduquées à se conformer et à plaire, mais jamais à se soutenir dans la conquête du pouvoir ou de l’autonomie ».

L’amie célibataire : une menace imaginaire
Autre exemple frappant : lorsqu’une femme se sépare ou devient veuve, elle disparaît progressivement des invitations. Dîners entre couples, vacances partagées, week-ends entre amis : tout cela se raréfie. Et ce ne sont pas les hommes qui s’y opposent le plus souvent, mais les femmes elles-mêmes. Comme si la femme seule devenait une menace potentielle pour le couple.
Mais que révèle vraiment cette peur ? Plutôt que de suspecter l’amie, pourquoi ne pas interroger la confiance que l’on a en son conjoint ? Pourquoi cette insécurité, cette jalousie projetée ? Là encore, c’est une autre femme qui devient la cible, alors que c’est le regard de l’homme, sa fidélité, sa loyauté, qui devraient être en question.
La fausse concurrence entre femmes : un leurre patriarcal
Le système patriarcal repose sur des ressorts de pouvoir et de contrôle. Il a tout intérêt à ce que les femmes ne soient pas solidaires entre elles. En les plaçant en compétition (pour être la plus belle, la plus désirable, la plus douce, la plus compétente), il s’assure qu’elles ne s’allient jamais vraiment. Or, une solidarité féminine forte, une véritable sororité, serait une force de changement colossale.
Tant que les femmes verront les autres femmes comme des ennemies ou des rivales, elles resteront isolées face à des systèmes injustes. Et ce n’est pas une critique, c’est un constat. Nous avons toutes été élevées dans cette culture. Mais aujourd’hui, en tant que coach relationnelle et love coach, j’invite chacune à prendre conscience de ces conditionnements, à les déconstruire.
Construire une nouvelle manière d’être en lien : la sororité
La sororité, ce n’est pas juste « être gentille entre femmes ». C’est un engagement à se soutenir, à se comprendre, à ne pas juger, à s’élever ensemble. C’est résister à la tentation de médire, de rabaisser, de comparer. C’est refuser la division.
Et c’est un acte profondément politique. Soutenir une autre femme, c’est refuser de jouer le jeu patriarcal. C’est dire : « Je te vois, je ne te crains pas, je ne te jalouse pas. Je veux que tu réussisses autant que moi. »
Il y a tant à faire, mais chaque geste compte. Défendre une amie, célébrer les succès des autres, élever ses filles en leur disant qu’elles sont précieuses pour ce qu’elles sont, pas pour ce qu’elles représentent. Ne plus répéter les phrases qui blessent. Interroger nos automatismes, nos jugements, nos exclusions.
La sororité est une révolution douce mais puissante
Ce n’est qu’en nous rassemblant que nous pourrons espérer briser les schémas patriarcaux qui nous oppressent toutes. Ce n’est qu’en soutenant une femme que l’on contribue à libérer toutes les femmes.
Alors posons nous cette question essentielle : en tant que femme, est-ce que je suis une alliée ou une juge pour les autres femmes ? Car tant que nous ne serons pas unies, ce sont les hommes qui continueront à tirer les ficelles du pouvoir, souvent en silence, pendant que nous nous battons entre nous.
Le jour où les femmes cesseront de se voir comme des concurrentes et commenceront à se voir comme des sœurs, le monde changera. Et il changera vite.
Comme le rappelle Mona Chollet dans Sorcières, « le plus grand danger pour une société patriarcale, ce n’est pas une femme puissante : c’est un groupe de femmes solidaires ». Ce que le système redoute, ce n’est pas la femme qui réussit seule, mais celles qui s’élèvent ensemble.

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